Cette photo
prise à près de 50 m de profondeur montre le canon de 105 mm situé à l'arrière
de l'épave de "l'Alice Robert", là où elle a été coupée en deux par
l'explosion de la torpille. Le "Bananier", torpillé il y a 70 ans,
portait trois de ces gros canons et 24 de plus petits calibres. Ces armements,
en plus du mât qui est encore dressé, sont des spécificités uniques dans la
région pour ce navire de guerre. PHOTO/© Sylvain Astrié
Sauvegarder
les épaves recensées et localisées, mais aussi découvrir celles qui sont encore
enfouies, tels sont les objectifs de cette nouvelle association (ASPEPO), à la
veille de l'anniversaire du naufrage du "Bananier".
Intarissable
Laurent Urios, qui bien qu'en activité à Pau, garde toujours un oeil (ou une
palme) sur le littoral catalan qu'il affectionne et qu'il connaît comme sa
poche. A 43 ans, ce docteur en biologie - qui a travaillé au CNRS de Banyuls -
ingénieur de recherche à l'Université paloise est habité par sa passion.
Spécialisé dans la biodiversité microbienne, il plonge depuis 20 ans aux quatre
coins du monde, mais particulièrement entre Cerbère et Barcarès, avec plus d'un
millier de plongées au compteur ! Aujourd'hui, le scientifique est de fait
historien, mais ce qu'il souhaite avec une poignée de copains tout aussi
passionnés que lui, c'est préserver et promouvoir la quarantaine d'épaves
actuellement répertoriée pour mieux les protéger au sein de l'association
ASPEPO.
Quels sont
les objectifs de votre association ? Ils
sont tous liés, à commencer, par la collecte des informations relatives aux
épaves, à leur histoire avant et après le naufrage. A suivre un recensement de
ces épaves, en identifiant les vestiges inconnus. Puis il faut réaliser un
suivi de l'état des épaves et évaluer leur rôle de récifs artificiels. Enfin,
il convient d'évaluer la fréquentation des sites et donc l'impact économique
régional, cela concerne les structures de plongée, et le tourisme.
N'avez-vous
pas peur qu'elles fassent l'objet de "visites de masse" ? Faire la promotion des épaves et du
patrimoine, tout en créant des interactions avec la réserve, le Parc marin, les
collectivités, va justement promouvoir la protection des épaves. En choisissant
de faire connaître ce patrimoine méconnu, cela va provoquer une prise de
conscience et va favoriser la sauvegarde de ce patrimoine historique. Ceci dans
l'idée d'un rapport gagnant gagnant permettant de profiter d'une ressource tout
en la protégeant, c'est du développement durable.
Vous avez
répertorié une quarantaine d'épaves, en restent-ils d'inconnues ? Certaines épaves sont très dégradées,
il ne reste parfois qu'une chaudière, d'autres sont dans des états
remarquables. Mais le recensement est difficile, les lieux d'épaves c'est comme
les bons coins à champignons c'est gardé secret !
Que
ressent-on lorsque l'on plonge sur une épave comme l'Alice Robert à 48 m de
profondeur
? Il n'y a pas de
mot, c'est quelque chose que l'on ressent, à travers des détails, des
ambiances, ces épaves sont des histoires d'hommes surtout en ce qui concerne
l'Alice Robert.
• Contact :
aspepo.blogspot.fr
L'incroyable
histoire de l'Alice Robert dit "le Bananier",
torpillé
il y a tout juste 70 ans
L'Alice
Robert est l'épave de la
Côte Vermeille la plus convoitée par les plongeurs. C'est aussi la plus
éloignée et celle qui se mérite le plus. Elle possède des caractéristiques
uniques dans la région : un mât encore dressé et un important armement
antiaérien et anti-sous-marin. Mais, avant d'être cette épave recherchée, l'Alice
Robert a connu de
nombreux événements qui n'ont pas fait de sa vie de bateau une longue
navigation tranquille.
En 1934, ce
navire de près de 90 m de long est l'un des plus modernes de la flotte
frigorifique française. Durant les cinq années suivantes, il va assurer le
transport de bananes, un commerce alors rentable mais aussi économiquement
stratégique entre la métropole et son empire colonial, entre l'Afrique
(Conakry, Dakar) et les ports de Nantes et Bordeaux.
Puis survient
la guerre et le navire de commerce ne peut plus naviguer librement, la menace
des sous-marins ennemis étant présente en permanence. L'État français prend la
gouvernance de l'Alice Robert
et l'arme pour sa défense en cas de mauvaise rencontre.
Durant les
premières années de la Seconde Guerre mondiale, le cargo fruitier poursuit
difficilement ses navigations de commerce, jusqu'en 1942. À cette date, il
passe aux mains de la Kriegsmarine
qui le transforme en bâtiment de guerre et le renomme SG 11.
À partir du
printemps 1943, il navigue en Méditerranée le long des côtes française et
italienne pour escorter des navires porteurs de minerai de fer, d'équipements
ou de soldats pour l'Axe.
Au début de
1944, il est basé à Port-Vendres. Cinq mois plus tard, il croise la route du
HMS Ultor, un sous-marin anglais commandé par le lieutenant G. E. Hunt. C'est
un officier exceptionnel qui aura à la fin du conflit le record du nombre de
navires coulés. La rencontre est fatale et le SG 11 ex-Alice Robert est torpillé le 2 juin 1944 au large de
Port-Vendres. La déflagration est telle que l'onde de choc est ressentie jusque
dans Port-Vendres. Le navire est coupé en deux. Sur 202 hommes d'équipage, 27
marins périssent.
Depuis,
l'épave repose dans un silence à peine troublé par la faune qui s'est installée
dans ses
structures,
transformant le navire de guerre en récif artificiel. Un ouvrage sur cette
histoire est à paraître d'ici peu, il est signé par Laurent Urios et Sylvain
Astrié : Les trois vies de l'Alice Robert dit "le Bananier".
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